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Un chamane c’est quoi, et quel est son objectif ?

Publié le 21juil. par Marie-Jésus SANDOVAL dans
En d’autres temps et en d’autres lieux, les chamanes étaient des personnes de chair et d’os, vivant avec leurs congénères. On les appelait Curanderos-as, Guérisseur-euses, Hommes- et Femmes-Médecine, Chamanes… car on leurs demandait d’officier et d’intercéder entre les mondes des vivants, des morts et des esprits.

En d’autres temps et en d’autres lieux, les chamanes étaient des personnes de chair et d’os, vivant avec leurs congénères. On les appelait Curanderos-as, Guérisseur-euses, Hommes- et Femmes-Médecine, Chamanes… car on leurs demandait d’officier et d’intercéder entre les mondes des vivants, des morts et des esprits. 


Ces personnes étaient reconnues par leur communauté pour leur attitude, leur comportement, un don particulier, une sensibilité différente. Souvent ils et elles avaient rencontré la maladie ou la mort. Dans la solitude, ces personnes avaient traversé des épreuves fondamentales et des crises éprouvantes qui les avaient progressivement amenées à la sagesse, l’éveil, l’empathie et la compassion, ouvrant des facultés de transe et de guérison.


Qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’un-e chamane et comment le devient-on ? Si j’en crois mon expérience de vie, il est clair que je n’ai pas choisi d’être chamane. Il m’a fallu attendre 2012 et rencontrer la mort pour la troisième fois, mais cette fois-ci en conscience, avant d’accepter enfin que j’œuvrais dans ce sens.


Enfant, j’ai rencontré la mort à deux reprises, avec des expériences de mort imminente. On m’a raconté qu’à 9 mois, j’étais entre les deux mondes et j’ai reçu l’extrême onction. Alors qu’on pensait assister à mon dernier souffle, contre toute attente, je suis restée en vie. Ni morte ni complètement vivante, j’ai continué à vivoter jusqu’à mes 4 ans et demi. Là, un grand professeur de France m’a sauvé la vie avec une opération où il m’a enlevé trois quarts d’un poumon, alors que j’avais une chance sur 100 de m’en sortir. 


De ces épreuves dans l’enfance, je suis ressortie avec une connexion et des sensations particulières, une faculté à voyager entre les mondes. Les pieds sur terre, je sentais que quelque chose de moi vivait aussi ailleurs, dans un souvenir tangible, palpable et réel mais en même temps complètement inaccessible. Cet ailleurs se manifestait dans des rêves ou des visions spontanées qui souvent terrorisaient la fillette que j’étais. J’étais à la fois dans et hors du monde, et sans le savoir, je cherchais déjà à trouver un point d’équilibre.


Dans mes souvenirs, l’expérience de la transe m’est arrivée à l’âge de 40 ans, comme si c’était le moment du rendez-vous. La maladie et la mort m’avaient permis de développer l’initiation intérieure. Avec la double rencontre simultanée de Swami Yoga Anand Bharati et de Loup-Blanc, puis de Margot Anand, c’était l’initiation extérieure qui prenait le relais. En présence de leurs vibrations, je suis entrée en transe spontanée, avec des images très particulières et des messages bien spécifiques. 


Au travers d’enseignements et de synchronicités, j’étais invitée à couper avec le monde extérieur du travail pour donner la place à l’approfondissement d’un monde intérieur et me mettre au service de la Vie. A chaque fois, c’était comme si l’univers m’envoyait un messager et je commençais toujours par refuser, cherchant à m’accrocher à mon travail rationnel, avant d’accepter les initiations de rencontre en rencontre, et de m’ouvrir à l’intériorité et au mystère.


Swami me disait : « Qui mieux que vous peut parler de la vie alors que vous avez rencontré la mort ? » C’est lui qui m’a donné mon nom, AMRITA, qui veut dire « nectar d’immortalité ». Ce nom ne veut pas dire que je suis immortelle mais il parle de la dimension précieuse de la vie, et de la nourriture de l’âme : ce qui nous nourrit, nous emplit au plus profond, alimente notre joie d’être vivant.


En 2012, alors que j’emmenais un groupe de femmes dans un canyon en Espagne, j’ai été emportée accidentellement par une rivière subitement montée en crue qui barrait notre chemin de retour. Aucun panneau n’indiquait ce danger potentiel dû à un barrage en amont. J’apprendrais plus tard que plusieurs personnes y avaient déjà perdu la vie. Miraculeusement ressortie des eaux tumultueuses, j’étais donc la première personne survivant à cette épreuve, d’où la stupéfaction du village. Je leur ai dit : « Après moi, cela n’arrivera plus » et cela les a mis en mouvement. Prenant conscience de l’importance de sécuriser ce chemin de grande randonnée indiqué sur toutes les cartes espagnoles, une passerelle a été construite.


Cette expérience puissante, accompagnée de visions et de messages si particuliers (j’entendais une voix qui me disait « aujourd’hui tu meurs, tu acceptes de mourir ») ainsi que la matérialisation de cette passerelle où j’avais failli perdre la vie, m’ont permis d’arrêter de me débattre sur le sens profond d’être restée en vie. J’ai compris que la vie m’invitait à être cette « passerelle », quelqu’un qui intercède entre différents mondes, différents plans, au service de la vie et des êtres humains.


Aux personnes qui viennent dans mes stages, je souhaite qu’elles puissent trouver en elles de l’équilibre, de l’harmonie, du sens, pour revenir à des choses simples qui les placent dans un « oui à la vie » profond. Pour les chamanes, tout est porteur de vie, de mémoire et d’une forme d’intelligence. J’essaie de proposer un chemin pour que les personnes retrouvent leur force, leur fierté de qui elles sont devenues à travers toutes les épreuves de la vie. Il s’agit de regarder ces épreuves non comme une punition mais comme des opportunités pour s’appuyer dessus, trouver du courage et prendre sa vie en main. De comprendre que les blessures que l’on porte du passé, quand elles se représentent à nous, ne sont que des mémoires. Et d’apprendre à les regarder, à les traverser, pour revenir dans l’ici et maintenant, afin de les transcender.


La quête d’équilibre et d’harmonie est au cœur de toute démarche chamanique, et des pratiques que je propose. Visiter ses zones de disharmonie permet d’harmoniser progressivement sa vie et son quotidien. Avec le son du tambour, j’offre aux personnes de pouvoir faire l’expérience de la vibration et transe – si cela leur est accessible et que le corps le permet. C’est une régulation d’énergie qui est au service de tous les organes de la vie en priorité, et qui parfois permet d’avoir accès à des visions et des messages porteurs de sens et d’enseignement.


Avec le recul, les épreuves qui ont jalonné ma vie déploient leur sens profond. Alors que j’ai trois quarts de poumon en moins, une part importante du travail que je propose est basée sur le souffle. Cela parait assez incroyable et pourtant, ce sont les pratiques que je suis amenée à transmettre. Le souffle invite en effet au voyage chamanique ou tantrique, il fournit le carburant nécessaire pour mobiliser l’énergie de vie. Et alors que j’ai été interdite de tout effort physique jusqu’à mes 18 ans à cause de ma maladie, le mouvement est au cœur des pratiques transmises que je transmets. En fait, tout ce qui a constitué mes épreuves de vie – le souffle, le mouvement, et plus tard le lien à l’eau – s’est ensuite retrouvé au cœur des enseignements que je suis amenée à transmettre.


Plus j’avance, plus je me sens investie de la « médecine du sud » qui est pour les Cherokees la médecine de l’eau, avec le coyote pour totem. L’eau peut être chantante, grondante, stagnante. Elle nourrit la terre avant de rejoindre la mer. Elle nous met en lien avec l’au-delà (« l’eau de là »), la vie intra utérine, les profondeurs, les larmes et tous nos fluides. C’est aussi acquérir une fluidité dans l’existence, où on se laisse porter par le mouvement de la vie. Le coyote invite à rencontrer son enfant intérieur, la spontanéité, la sincérité, l’authenticité. Il nous guide pour vivre pleinement toutes nos émotions et les regarder avec humour, dérision et conscience. 


Sauvée de la noyade, jamais je n’oublierai cette voix qui me disait alors que j’étais ballotée par les flots : « Aujourd'hui tu meurs, tu acceptes de mourir ». Acceptant réellement de mourir, je me suis finalement relaxée dans l’eau c’est cette détente même qui m’a permis de rester miraculeusement en vie. Cette expérience inspire aujourd’hui certaines pratiques que je propose au fil de l’eau, au cœur de la nature. Retrouver le chemin du chant de la rivière, en écho au premier chant de la vie intra-utérine et au premier tambour, ce cœur qui bat.